CLAIRE MARIN OU L’ART DE LA VARIATION (2) : RUPTURE(S)
Claire Marin, Rupture(s), Editions de l’Observatoire/Humensis, 2019.
Présenter il y a quelques semaines le dernier ouvrage de Claire Marin, Être à sa place, m’a donné envie de vous parler également de son livre précédent, Rupture(s). Une envie liée à la qualité du propos – son texte est là encore riche, brillant et sensible – mais aussi à l’apport inestimable qu’il peut constituer pour chacun.e d’entre nous.
Car les ruptures jalonnent nos vies, mettent à mal nos existences, remettent en jeu nos identités, nous confrontent à la perte et à la finitude, au changement et à la discontinuité, à l’imprévisible et à l’inconnu. Elles nous font vivre l’ivresse des nouveaux départs ou l’angoisse des infinis surplaces ; elles nous rongent l’âme, nous brisent le cœur, nous attaquent le corps ; elles font de nous des monstres, des traitres et des infidèles ou des laissés pour compte, des moins que rien voire des plus rien du tout. On pense évidemment tout d’abord à la rupture amoureuse, lieu par excellence du déchirement, mais Claire Marin va bien au-delà et nous permet d’embrasser très largement cette thématique puisqu’elle traite aussi du deuil et de la naissance, des transclasses et des exilés en passant par la maladie, les accidents ou encore le burn out. J’en oublie, évidemment. Philosophie, Sociologie, Psychanalyse et Littérature nourrissent magnifiquement une pensée aux mouvements subtiles, aux articulations impeccables et au cheminement très éclairant. Voilà pourquoi je propose volontiers ce livre en lecture aux personnes que j’accompagne et que je ne cesse de bénir l’amie qui me l’a conseillé.
Pour que vous puissiez vous faire une idée du trésor d’humanité que je vous partage, voici un extrait concernant la rupture amoureuse :
« Désormais, toi l’être aimé, tu te tiens à part. Tu affirmes que nous pouvons être séparés, comme si dans ce « nous », il y avait eu deux parties distinctes, là où nous éprouvions une union, un mélange. Être quitté c’est se sentir amputé d’une part vitale de soi-même. « Nous étions à moitié de tout […] je ne suis plus qu’à demi », dit Montaigne. […] Ce qui manque dans la rupture c’est le tutoiement des chairs, les paroles murmurées, la circulation souple des mains, le ballet des corps liés et déliés à la fois […] Ce qui nous manque, c’est le corps de l’autre comme prolongement du nôtre, plus exactement comme partie du nôtre. Quand l’autre cesse de m’aimer, c’est comme si je perdais mes propres limites, mon être s’écoule hors de moi, se vide. […] Celui qui s’extrait de ce corps commun, de cette chimère que l’amour a créée, condamne l’autre à dépérir avec ce bout de corps meurtri. La rupture est l’expérience de l’arrachement. »
Voici enfin, pour celleux que ça intéresserait, un podcast qui a le mérite de permettre à Claire Marin d’aborder un certain nombre de questions présentes de son livre :