Par Paprika Bommenel Psycho-Analyste en REL
De Bruno Bettelheim à Marie-Louise Von Franz, beaucoup se sont penchés sur le langage symbolique des contes. Certains personnages viennent prendre place dans les REL de nos patients pour les guider, les éclairer dans leur évolution. En voici un exemple que j’ai souhaité partager avec vous.
Il était une fois…
Que vous attendez-vous à lire après ces quelques mots ? L’histoire d’une belle princesse enfermée dans un château, l’histoire d’un noble et laid rouquin qui a du cœur ou bien celle du frère et de la sœur perdus dans les bois ?
Depuis de nombreuses générations, nous sommes bercés par les contes et légendes que nous racontent nos parents avant de prendre le relai et de les raconter à notre tour à nos enfants, les yeux ébahis.
Rien d’étonnant donc, quand nous laissons la place à notre imaginaire, à ce qu’il puise dans ce vivier d’histoires communes.
Mais est-ce la seule raison ?
En prononçant ce fameux « Il était une fois… », nous ouvrons la porte d’un monde où tout semble possible : les citrouilles deviennent des carrosses, une jeune fille dort cent ans, une pousse de haricot atteint les nuages.
Ce langage de la transformation, de la métaphore, ce langage archétypal nous est bien connu, nous, professionnels du REL.
C’est souvent à travers l’improbable que s’exprime une sensation, une émotion, un ressenti.
Si l’on se penche un peu plus sur le monde des contes, en laissant de côté la partie enchantée pour regarder les messages profonds, nous découvrons qu’il est rare de croiser un conte qui ne traverse la forêt, que chaque conte comporte une rencontre, avec la Persona, l’Ombre, l’Animus, l’Anima…
Ainsi nous pouvons lire dans ces histoires pour enfants une leçon de vie et des instructions pour qui sait les voir.
Nos enfants ne s’y trompent pas, nous demandant de répéter encore et encore l’histoire qu’ils connaissent par cœur mais dont ils n’ont pas encore retiré tout l’enseignement. Notre inconscient ne l’oublie pas et j’ai été surprise de voir à quelle fréquence les contes ressortent dans les séances de mes patients.
A la fin de certains REL, j’ai souvent entendu mes patients dire « oui, je me suis toujours sentie le vilain petit canard » ou « Dans la vie, je me bats contre de vrais dragons » ou encore « Alice au pays des merveilles, elle est comme moi, elle n’est pas à sa place ».
Une de mes patientes m’a fait voyager dans Cendrillon lors d’un de ses REL. Plus tard je me suis replongée dans l’œuvre originale et cette lecture m’a amenée à voir le conte, le REL et ma patiente sous un autre éclairage.
Dans le conte original, le père, la mère et la belle-mère de Cendrillon ne sont évoqués qu’au début. Ce sont ensuite les deux méchantes sœurs et la bonne fée qui jouent les rôles les plus importants auprès de Cendrillon.
Les deux sœurs empêchent Cendrillon d’aller au bal sous prétexte qu’elle n’est pas assez jolie, pas bien habillée, pas à la hauteur…, quand la bonne fée fait tout son possible pour que Cendrillon soit la plus belle, la plus présentable, ait une bonne image d’elle-même.
Les sœurs peuvent ainsi être vues comme une part de Cendrillon l’empêchant de se réaliser pleinement, étant certaine que rien de bon ne peut lui arriver. On reconnaît ici la part d’Ombre présente en chacun de nous.
La fée, magique, veillant sur Cendrillon, la pousse à se dépasser, à montrer ce qu’elle est vraiment, telle la fonction transcendante, mais sans doute encore prisonnière du paraître de la Persona.
Comment Cendrillon va t’elle s’en sortir ? En rencontrant son Animus, c’est un fait, mais aussi et surtout en intégrant et non en luttant contre cette part d’ombre qu’elle porte en elle. A la fin du conte, elle accueille ses deux sœurs dans son château.
Il en sera de même pour ma patiente, 48 ans, qui vient me voir pour un manque de confiance et une trop grande timidité.
Dans ce REL, elle se donne à voir cette part d’ombre qui l’enchaine et l’empêche d’être pleinement elle-même. En voici quelques passages :
« Je suis là, allongée chez vous, mais en fait je suis dans une toute petite pièce. Je crois que c’est le cagibi de Cendrillon, et puis ça se transforme en placard à balais de Harry Potter, mais ça revient chez Cendrillon. Je me souviens de cette image de mon livre de petite fille avec cette chambre de Cendrillon tout en haut des escaliers et les sœurs qui ne voulaient pas la laisser sortir. Moi c’est ma sœur qui se déguisait en fée et elle nous faisait des tours avec mes copines, et elles voulaient toutes venir à la maison pour jouer avec ma sœur et c’était chouette. (…) Je suis à nouveau Cendrillon avec ses méchantes sœurs en bas, qui veulent pas qu’elle épouse le prince. (…) Je voudrais que ma sœur vienne et fasse un truc de fée comme avant. Mais je suis énervée contre ma sœur parce qu’elle vient pas. Son truc c’est bon pour faire du cinoche c’est tout !! Bon alors il faut que je sorte de là, alors je m’invente une cape de fée et je peux me faire des tours en mettant ma baguette magique sur ma tête, alors je le fais. Je suis libre (…) Là, je suis en bas, dans mon salon et je fais une tête au carré à ma sœur qui m’a enfermée dans ma chambre et je lui dis que je peux être fée moi aussi et que je peux me faire des tours à moi-même, j’ai pas besoin d’elle (…) ».
Voici une ébauche de lecture du conte de Cendrillon à travers le filtre jungien…
Chaque conte a ses messages et les enfants ne s’y trompent pas, il faut de nombreuses lectures pour en découvrir les finesses.
Après ce rêve, ma patiente a repris contact avec sa sœur, perdue de vue depuis plus de dix ans. Elle a également repris les rênes de sa vie en acceptant un poste de cadre dans son entreprise, alors même qu’elle se sentait incapable de manager d’autres personnes.
Les enfants puisent dans les contes de quoi affronter les dragons de la vie, les adultes aussi, parfois.